Communiquer efficacement dans la Culture

Quand je lis un journal culturel, j’ai toujours deux regards : celui du public cible (je consomme entre 1 et 4 spectacles par mois, théâtre principalement) et celui de la professionnelle et ex-responsable comm’ de structure culturelle (ma jumelle maléfique). Ce double regard me permet : de voir les stratégies de comm’ de mes ex-homologues et concurrents d’une part, d’autre part de garder une bienheureuse vision critique pour ne pas tomber dans le panneau de certaines accroches élogieuses destinées à attirer le chaland et remplir les salles. Et oui, j’avoue j’ai péché aussi parfois dans ma vie d’avant, mais vous connaissez l’adage : dans “communiquer” il y a “niquer”.
Voici ce que j’ai constaté ce matin en épluchant un célèbre canard (pas la bête) au format papier : il y a encore parfois un fossé entre la comm’ d’un musée 💀 et d’un théâtre, mais ça ce n’est pas nouveau (dans “spectacle vivant”, il y a bien “vivant”). Et aussi que le digital ne supplante toujours pas le print (et c’est très bien 😌 !) et qu’un équilibre entre les deux est la clé (c’est ce que je pense).
Une communication innovante pour les gros acteurs culturels
Opération séduction réussie pour les « grosses » structures. La majorité des « gros » théâtres ou opéras a brillamment réussi à dépoussiérer l’image lourdingue de l’institution patrimoniale réservée à une élite bourgeoise. (Pour rappel en effet : aller au théâtre en 2023 ça ne veut pas dire se farcir 3h50 d’un Racine en alexandrins et en costumes d’époque ; c’est découvrir des textes contemporains et des esthétiques innovantes mixant vidéos, musique live et performances, et aussi redécouvrir des classiques revisités). Comment ces grosses structures sont-elles parvenues à moderniser leur comm’ et à attirer des nouveaux publics, plus jeunes et/ou primospectateurs ? 💡En osant adopter les codes de communication d’autres secteurs, avec des contenus visuels incarnés, fresh, pimmpés🌈, des wordings sobres mais clairs, et ce sans jamais écorner l’image de marque de l’institution ni négocier avec le racoleur et le putaclic. Bravo à elles !
Les petites structures : d’éternelles fautes de débutant
Les structures culturelles dites petites ou intermédiaires sont très présentes dans les colonnes des journaux spécialisés, mais feraient peut-être mieux de s’abstenir. Elles peinent encore trop à s’affranchir d’un modèle de communication antique. Je vois souvent – et particulièrement ce matin – des encarts presse complètement foirés :
- des ¼ de pages pour des spectacles d’auteurs/metteurs en scène inconnus au bataillon avec des illustrations vides de sens, sans wording ni aucun élément permettant de comprendre de quoi parlent lesdits spectacles ; → les yeux passent sur l’encart dans une indifférence parfaite, encéphalocardiogramme plat.
- une ½ page de théâtre dit “jeune public” qui annonce ses prochains spectacles sans jamais les pitcher ni mentionner une indication d’âge (“à voir à partir de”) → quoi ? Je me donne la peine de lire un journal et je dois en plus faire la démarche d’aller sur le site pour trouver une info essentielle ??
- des ¼ de page d’établissements indiquant simplement “saison 22-23” (nous sommes en janvier quand même, la moitié de la saison est passée…), avec de pauvres visuels graphiques qui n’évoquent strictement rien dans l’imaginaire des gens, aucun titre de spectacle, aucun nom de metteur en scène, aucune accroche. → c’est censé me donner envie d’aller voir la programmation de ces théâtres ? Pépites d’absurdité !!
Comment peut-on en 2023 constater de telles erreurs ? Ces structures espèrent donc vraiment capter l’attention des lecteurs et remplir leur salle avec des encarts presse aussi mal pensés (et souvent moches) ? Coups d’épée dans l’eau ! A quoi bon payer à prix d’or ces publicités (minimum 800-1000€, bien avant l’inflation ^^) si c’est pour n’obtenir du lecteur qu’une suprême indifférence ? Simplement pour dire qu’on est présent dans ce journal culturel, que c’est toujours de la notoriété bonne à prendre ?
Si c’est juste la « présence » ou la tradition qui motivent l’achat d’un espace dans ce média, pourquoi alors ne pas tester une campagne Google Display avec seulement 300€ de budget mensuel : tant qu’à faire des coups d’épée dans l’eau, ça aurait sans doute plus de succès ! Je risque de me faire clouer au pilori mais pour moi, beaucoup d’argent mal dépensé, c’est tout aussi scandaleux que de déplorer l’absence totale de vision ROIste qu’a encore la majorité des Directions du monde de la Culture. Pour ces équipes, faire une promo percutante et pragmatique c’est sûrement vendre leur âme au diable, ou synonyme de grande trahison, de racolage 👠👄, de nivellement par le bas, de coup de canif 🔪dans le contrat ; culture/marketing et publicité ne font visiblement toujours pas bon ménage…
Que ce soit par manque d’inspiration des équipes comm’, par manque de moyens, par manque de compétences parfois aussi (osons le dire), par frilosité, par confort (structures subventionnées qui ne se sentent pas soumises à des obligations de résultats), ou par position conservatrice de certaines Directions, peu importe : on veut voir des pubs attrayantes et efficaces💥pour faire vivre la Culture et attirer de nouveaux publics, il faut donner envie, il faut des comm’ efficaces et plus glamour.